A revista francesa “Brésil(s) – Sciences humaines et sociales” publicou recentemente uma resenha sobre o livro, publicado pela Editora da Unicamp e mantido na coleção Várias Histórias, África, margens e oceanos: perspectivas de história social, organizado por Lucilene Reginaldo e Roquinaldo Ferreira.

Le projet des organisateurs n’était pas de faire un dossier thématique, mais de proposer un large bilan de l’institutionnalisation et du développement de l’histoire de l’Afrique au Brésil dans les dernières décennies. De ce fait, les chapitres offrent une grande variété thématique, méthodologique et géographique, à partir d’études sur diverses régions (Afrique orientale, Sénégambie, Katanga, Niger) trop souvent ignorées de l’historiographie brésilienne. De même, le rôle important dévolu à l’océan Indien montre que l’espace atlantique ne saurait suffire.
Il faut saluer en particulier les nombreux textes portant sur la période coloniale et le XIXe siècle. Depuis les années 1990 et l’hégémonie des post-colonial studies, des subaltern studies et des paradigmes poststructuralistes dans les sciences sociales, on peut constater une carence importante (en Europe, en Afrique et aux États-Unis) des études sur des périodes plus anciennes. Il est heureux ici que, parmi les treize chapitres consacrés à l’histoire, onze traitent des périodes antérieures à l’occupation coloniale européenne.
Le livre inclut les textes de spécialistes de renommée internationale, comme Mariana Candido ou Eugênia Rodrigues. Cependant, la plupart des auteurs sont des jeunes chercheurs des universités brésiliennes qui se sont mis sous le parrainage d’Edward Alpers, figure de la génération des études « précoloniales » des années 1960-1970, qui signe ici un chapitre.
Arguant d’un certain désintérêt au Brésil pour l’histoire politique, Silvia Lara dresse un tableau critique de l’héritage de l’historiographie sociale de l’esclavage qui s’était traduite par une attention jugée excessive à la culture, aux « ethnies » et aux « identités » des Africains au Brésil. Selon son analyse, les personnes originaires d’Afrique restent difficilement reconnues comme des « acteurs politiques » et, par conséquent, très peu d’études portent sur les « cultures politiques africaines ». Une telle négligence s’explique aussi par le peu d’intérêt au Brésil pour l’étude des institutions politiques africaines antérieures au XIXe siècle (États, chefferies, royautés, conseil, clans, tribunaux, diasporas, confréries commerçantes, etc.), leurs articulations à l’intérieur des sociétés, leur « fonctionnement » et leurs transformations.
Crislayne Alfagali pose toutefois quelques jalons pour une histoire politique des sobados (chefferies petites ou moyennes) en Angola, s’attachant plus particulièrement à leur résilience et leurs adaptations dans leur rapport avec l’administration coloniale portugaise. Pourtant, nous voyons très peu « la chair et les os » du pouvoir de ces chefs, au-delà d’un vague rôle de « leaders ». Que sont ces entités politiques ? Quels étaient précisément les aspects matériels, les prérogatives fiscales et militaires de la souveraineté de ces sobas face à leurs sujets et à Luanda ? Qu’est-ce qui a permis à ces chefferies et titres politiques de survivre dans la durée face à l’occupation portugaise ?
Il est vrai que le livre annonce, dès son titre, privilégier une « perspective d’histoire sociale » et il est indéniable que l’agency des femmes et des hommes africains est un point absolument fort de cet ouvrage. L’étude des acteurs qui se trouvaient dans une zone grise, entre souverainetés africaines et européenne, tels que les interprètes, passeurs, métis, donas et signares, marchands d’esclaves, etc., est ici privilégié. Cependant, le rôle des entités ou institutions politiques africaines – encore en grande partie souveraines jusqu’à la fin du XIXe siècle – n’est pas clairement établi. Bref, ce livre confirme le manque d’intérêt pour ces problématiques politiques dans l’histoire africaine étudiée au Brésil.
La question des rapports de genre est un point fort du volume, puisque deux chapitres sont consacrés aux femmes ayant construit une puissance économique dans des régions coloniales enclavées des mondes africains, notamment Saint-Louis et Benguela. Mariana Candido travaille sur les femmes propriétaires de terres à Benguela (les donas) et Juliana Farias sur les signares, grandes patronnes du négoce à Saint Louis. Ces deux chapitres apportent des contributions très originales, à partir de recherches dans les archives africaines (celles de Benguela et de Dakar). Carlos Francisco da Silva Jr. propose lui aussi une analyse très abondamment documentée d’archives primaires de plusieurs pays (dans son cas notamment européennes). Cette connaissance fine des sources africaines fait défaut à d’autres chapitres. On regrette que Lucilene Reginado et Roquinaldo Ferreira n’aient pas pris la plume en dehors de leur présentation, compte tenu de leurs expertises dans ce domaine, notamment en Angola.
Silvia Lara aborde dans son chapitre le premier traité signé par le quilombo [enclave marronne] de Palmares. Elle l’examine à nouveaux frais en relation avec le développement de l’histoire de l’Afrique au Brésil. Son essai va au-delà de la question évidente de la résistance, révélant que la structuration de cet ensemble politique et social d’hommes et de femmes ayant fui l’esclavage doit être compris dans sa connexion avec des institutions politiques de l’Afrique centre-occidentale. De même, Lisa Castillo traite de la formation du terreiro [sanctuaire] de la Casa Branca dans sa connexion avec les royautés yorubas de l’Afrique occidentale au XIXe siècle. Il s’agit dans son cas d’étudier la circulation et les origines d’acteurs politiques de part et d’autre de l’Atlantique. Ces deux chapitres montrent qu’un regard politique et africaniste peut contrebalancer l’abord traditionnel des réalités afro-brésiliennes.
Les chapitres portant sur la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle abordent quant à eux le processus graduel (complexe et tendu) de l’occupation coloniale. Alexsander Gebara analyse ainsi les expéditions au Niger comme autant de métaphores de la confiscation progressive des souverainetés africaines par les acteurs sur le terrain, selon une vision plus complexe de la relation binaire « colonisateurs » / « colonisés ».
Le livre compte aussi une partie consacrée à l’enseignement de l’histoire de l’Afrique et aux expériences pédagogiques dans le cadre de l’éducation nationale brésilienne. Les défis liés à l’institutionnalisation de l’histoire africaine au Brésil sont d’abord discutés. L’étude des outils pédagogiques à l’école permet de dresser un premier bilan d’une expérience de formation continue des professeurs de l’enseignement primaire et secondaire en histoire de l’Afrique, en lien étroit avec l’Université. Pour des lecteurs étrangers à la réalité brésilienne, cette partie pourrait être perçue, à tort, comme déconnectée du reste de l’ouvrage. Ce n’est pas le cas. L’histoire africaine n’a cessé de se développer au Brésil, dans le contexte de la lutte des mouvements civils noirs en vue de l’adoption de la loi 106.39 de 2003 rendant obligatoire l’enseignement de l’histoire et de la culture africaines dans les écoles et lycées brésiliens. Cette loi s’est accompagnée d’un important investissement dans la recherche et dans la formation en histoire de l’Afrique, et de l’ouverture de très nombreux postes dans les universités au cours des deux dernières décennies. C’est d’ailleurs dans ce cadre nouveau que la majorité des co-auteurs de ce livre s’est formée, notamment les plus jeunes. De ce fait, les débats académiques ne peuvent être déconnectés des pratiques pédagogiques liées à cet enseignement dans les établissements scolaires brésiliens.
Il serait bon que le milieu académique africaniste français suive une telle voie et noue un plus riche dialogue avec des acteurs de l’éducation nationale, alors que les manifestations de racisme connaissent une forte recrudescence dans le pays.
Enfin, ce livre nous apporte des contributions précieuses pour le champ de l’histoire de l’Afrique, et bien au-delà. Il devrait être traduit en français et en anglais pour que son impact puisse s’étendre au-delà du monde lusophone.
Pour citer cet article
Référence électronique
Thiago C. Sapede, « Reginaldo, Lucilene & Roquinaldo Ferreira, dir. 2021. África, margens e oceanos: perspectivas de História social », Brésil(s) [En ligne], 22 | 2022, mis en ligne le 30 novembre 2022, consulté le 24 janvier 2023. URL : http://journals.openedition.org/bresils/13538 ; DOI : https://doi.org/10.4000/bresils.13538Haut de page
Auteur
Thiago C. Sapede
UFBA
Livro disponível no site da Editora da Unicamp!